Bouteille de vin : comment le verre peut devenir vert
La bouteille de vin en verre est un point noir du bilan environnemental de la filière viticole. Mais il y a des moyens d’améliorer ça et de garder l’ivresse sans perdre le flacon.
Article publié le 22/10/2024 – Julie Reux / 5 min de lecture
Aborder le bilan environnemental de la bouteille de vin en verre, c’est d’abord déconstruire des décennies de bourrage de crâne sur la magie du recyclage. Et plus récemment encore, des stratégies entières de la filière basées sur l’allègement des bouteilles de vin.
L’allègement du verre c’est possible (mais ça ne règle pas le problème de fond)
🏭 Pour améliorer l’empreinte carbone de leurs bouteilles, les verriers – et beaucoup d’organisations viticoles- travaillent sur plusieurs pistes en même temps :
Stratégie n°1 : l’allègement des bouteilles. 8% de matière en moins, c’est 8% de CO2 en moins (selon Verallia) et zéro impact sur la conservation du vin. Pour certains, de plus en plus nombreux, cet allègement des bouteilles de vin n’a aucun impact commercial non plus, les consommateurs s’en moquent. Pour d’autres, encore plus nombreux, la bouteille allégée est déjà trop révolutionnaire pour « le marché » qui n’aime pas qu’on change ses habitudes. Or, les codes du luxe sont clairs : une bouteille lourde est synonyme de qualité. On en a pour son argent, quelque part. Le poids moyen des bouteilles de vin en France serait de 550g, selon l’ADEME (hors Champagne). Les bouteilles les plus légères, présentées comme des innovations technologiques, pèsent aujourd’hui 300g.
Stratégie n°2 : décarboner la fabrication des bouteilles. Cette piste passe par la mise en service de fours verriers électriques (<nucléaire) ou hybrides (20% gaz- 80% électricité). Verallia a inauguré en septembre 2024 le tout premier four 100% électrique au monde, à Cognac, permettant une réduction de 60% de l’empreinte carbone des bouteilles. Ce four, qui a coûté la bgatelle de 57 millions d’euros (subventionnés) ne permet de produire que du verre blanc. Un four « hybride », capable de fabriquer des bouteilles de vin teintées (autrement dit contenant du verre recyclé ou calcin) est attendu en Espagne en 2025, et en France à Saint-Romain-le-Puy (42) en 2026.
Mais ces deux solutions reposent encore et toujours sur le même modèle : la bouteille à usage unique, le recyclage, la dépense d’énergie.
Recycler une bouteille en verre ne résout pas le problème de fond
♻️ Avec un taux de recyclage de 88% atteint en France (seulement 50% à Paris) pour le verre (ordures ménagères), on peut se rassurer : la matière première du verre… c’est du verre, recyclable à l’infini. Et ça, pour la matière première économisée (silice), c’est plutôt une bonne nouvelle.
Mais le recyclage en lui-même passe par la refonte du verre et consomme beaucoup d’énergie, énergie qui est encore largement carbonée (fours qui tournent au gaz). Bilan : l’empreinte carbone d’une bouteille recyclée n’est pas significativement meilleure qu’une bouteille neuve. C’est même quasiment la même chose, selon les calculs de Verallia.
En fait, le recyclage du verre (ou de tout autre matériau), s’il est nécessaire, repose sur la croyance qu’on peut jeter le contenant après usage en gardant la conscience tranquille, puisqu’il sera recyclé. Or c’est archi-faux : le traitement de ces déchets, leur tri et leur recyclage sont énergivores, et pas 100% efficaces. Le meilleur déchet n’est pas le déchet recyclable… c’est celui qui n’existe pas ! Or les caves particulières consomment 2 à 2,5 milliards de bouteilles de vin en verre par an, rien qu’en France. Résultat : les bouteilles de vin représentent 39% du tonnage de verre récolté dans les ordures ménagères (source ADEME).
Le réemploi des bouteilles en verre, la seule option vraiment « verte »
Bilan de tout ça : la bouteille en verre est la meilleure option pour le vin et la pire pour l’environnement… si on ne l’utilise qu’une seule fois. En revanche, à chaque réutilisation, l’impact environnemental de la bouteille – et notamment l’empreinte carbone de sa fabrication – est divisée de presque autant.
L’ADEME a fait les calculs : la plus-value environnementale du réemploi des bouteilles en verre sur le combo usage unique & recyclage est très nette, dès quatre utilisations et dans tous les scénarios de distribution. Selon les calculs des ingénieurs, la part du transport dans le bilan carbone final est moins significative que la part fabrication.
📌 Lire l’étude de l’ADEME de juin 2023
Mais pour l’instant, le réemploi des bouteilles de vin en France ne fonctionne vraiment qu’à une échelle régionale et artisanale. Le passage à l’échelle industrielle repose sur la mise en place de bouteilles standard (attendues pour 2025) et l’entrée dans le game de la grande distribution et des grands metteurs sur le marché. Mais pour les verriers interrogés, le marché viti n’est pas « mature ». Malgré tout, selon les calculs de l’ADEME, l’objectif de 5 à 10% de bouteilles de vin réemployées d’ici 2027, demeure atteignable par la filière… à condition de s’y mettre.
Prochain épisode : La bouteille de vin en chiffres
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