#20 Vignoble et biodiversité : deux concepts opposés ?

Aujourd’hui, on parle d’un mot tarte à la crème, trop vu, trop entendu : la biodiversité. Mais ne partez pas : ça reste un concept puissant pour la transition du vignoble, qui repose sur la mono-culture. Et en plus, on va parler de salsifis douteux et de lièvres.

Le terme est apparu dans les années 80 et est repris en 1992 dans la convention sur la Diversité biologique signée à l’issue du Sommet de la Terre de Rio. Entré dans le Larousse en 1994, le concept est une clé de voûte de tous les programmes de “durabilité”.

La “biodiversité” = ce qu’il y a de vivant. Elle se déploie sur trois niveaux interdépendants : la diversité génétique ou intraspécifique, la diversité spécifique (des espèces) et la diversité écologique ou écosystémique (le nombre et la diversité des communautés d’espèces).

Il y a plusieurs niveaux d’action :

    • la préservation = on met sous cloche dans des espaces protégés.
    • la conservation = on déploie une stratégie visant à maintenir la biodiversité existante.
    • la restauration = on réhabilite des espaces et on réintroduit des espèces disparues.
Alouette lulu et muscari en grappe, la petite biodiversité des vignes

Le vignoble, aujourd’hui espace de monoculture quasi-parfait, n’est pas un “paradis de biodiversité”. Très peu d’espèces ont BESOIN de la vigne pour exister.

    • La flore présente dans les vignes est souvent commune et ordinaire. Néanmoins, certaines espèces rares, menacées ou emblématiques y trouvent des conditions satisfaisantes : la Tulipe sauvage, l’Ail des vignes, le Salsifis douteux ou du Muscari en grappe.
    • La diversité des oiseaux occupant les vignes est relativement faible par rapport à d’autres milieux, et dépend essentiellement de ce qu’il y a autour des vignes (haies, friches, bâtis, etc.). Quelques espèces nichent dans la vigne : l’Œdicnème criard, et l’Alouette lulu, petit passereau au chant mélodieux.
    • Côté mammifères, c’est le lièvre d’Europe le plus courant.
    • Il y a peu d’amphibiens (trop sec) mais pas mal de reptiles (Couleuvre verte et jaune, la Couleuvre de Montpellier et le Lézard à deux raies).
    • Enfin, il y a les indispensables invertébrés : araignées, insectes, mollusques, clopotes, vers, acariens, collemboles…
    • Ajoutons-y ce que nous ne voyons pas : bactéries, champignons, microbes et autres micro-trucs, un univers encore mal-connu.
De nuisible à utile, le grand virage

Il est désormais acquis pour les scientifiques que la biodiversité joue plusieurs rôles dans le vignoble : elle soutient (par exemple, les racines des plantes retiennent le sol, évitant l’érosion), approvisionne (nourrit d’autres bestioles), régule (les prédateurs) et fait joli (c’est mieux quand on vend du rêve).

💡 La biodiversité est même un élément du terroir dans la définition de l’OIV (organisation internationale du vin)

Convaincre les vignerons de l’utilité de cette biodiversité n’est pas une mince affaire, puisque le discours inverse leur a été tenu pendant plus d’un siècle. Il fallait éradiquer toute concurrence, les “agresseurs”, ce qui pouvait gêner les machines, etc. Le culte de la bio-uniformité trouve son apogée dans le clonage des vignes, qui supprime jusqu’à la diversité intraspécifique en multipliant un seul individu. Cette croyance dans l’efficacité de la mono-culture reste très forte dans le monde viticole.

En gros, depuis les années 2000, une ENORME part de la recherche viti, mais aussi de l’énergie vigneronne, se concentre sur comment équilibrer la préservation de cette biodiversité et les exigences de l’industrie viticole = inventer l’agro-écologie.

L’urgence à restaurer la biodiversité

Dans les vignes, la stratégie repose sur deux piliers : restaurer / préserver les habitats (herbe, haies, fossés, mares, murets, arbres, etc.) et surtout réduire ou supprimer les pesticides.

Sur le volet “pesticides”, la plus-value du parcours bio (sans pesticides de synthèse) sur la biodiversité est largement documentée (30% de biodiversité en plus), contrairement à une foule d’autres labels à l’impact flou. Mais il y a dans le bio des angles morts (dont nous reparlerons une autre fois) et le chantier n’est pas terminé.

Il y a urgence : des scientifiques alertent sur la menace d’une 6e extinction de masse dont nous négligerions les signaux. Certes, ça se joue plus dans les massifs coralliens et la forêt amazonienne que dans nos vignobles. Mais ça commence près de chez nous : le nombre d’oiseaux de paysages agricoles a baissé de 30% depuis 1989.

 

Sources

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