
#21 Hydrologie régénérative : cultiver la pluie dans les vignes
Nouveau décryptage sur un sujet un poil technique, mais aussi très poétique : l’hydrologie régénérative, ou l’art de cultiver la pluie dans le vignoble.
D’abord, un constat : les besoins en eau augmentent au fur et à mesure que les températures se réchauffent mais aussi à cause de nos usages. Et pendant ce temps-là, la “ressource” en eau diminue : déjà -14% d’eau en France ces 15 dernières années.
La vigne est une plante sobre… mais il lui faut quand même 450ml d’eau en moyenne par an pour être productive, avec un minimum de 250ml / an pour survivre, et jusqu’à 800ml/an en climat chaud. Il faut cependant différencier les niveaux de besoin : garder la plante en vie et assurer un rendement profitable = deux choses différentes.
La science émergente de l’hydrologie régénérative
Dans un contexte de diminution de la ressource (voire de sécheresse), le vigneron dispose de plusieurs leviers à sa disposition : changer de cépages / de porte-greffe vers des variétés plus résistantes, adapter taille et conduite, repenser les densités de plantation, etc.
Une piste complémentaire émerge : l’hydrologie régénérative. Cette “sciences émergente” combine plusieurs techniques et concepts (permaculture, keyline design, agro-écologie…) autour d’une idée : “cultiver la pluie”, formule du Japonais Masanobu Fukuoka, pionnier de l’agriculture naturelle au Japo auteur de “La révolution d’un brin de paille”.
Cultiver la pluie ? Ca veut dire que la pluie est créée par la végétation, et non l’inverse. Dans un “cycle de l’eau” fonctionnel, les arbres et plantes jouent un rôle majeur, par leur capacité à transformer “l’eau verte” (celle contenue dans les plantes) en “eau bleue” (celle qui coule dans les rivières et nos robinets).
C’est un renversement de la pensée: il s’agit de “considérer les arbres non plus comme des capteurs de pluie qui consomment de l’eau, mais comme des générateurs car ils sont capables de transformer l’eau verte en eau bleue (aucune autre technologie ne peut le faire avec une telle importance et efficacité)”, explique Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue et co-fondatrice de l’association “Pour une hydrologie régénérative” (dans cet entretien). Traduction : les arbres (et toutes les plantes) créent la pluie, et non l’inverse.

Source image : Flux d’eau verte et écoulements d’eau bleue – Abdelkader Hamdane, 2021 – Aquagir
A l’échelle d’un vignoble, l’hydrologie régénérative appliquée combine trois techniques :
- les sols couverts : 15cm de sol peuvent stocker 250 m3 d’eau !
- l’agroforesterie, pour des effets à moyen et long terme
- un design de la parcelle pensé autour des circuits naturels de l’eau : recréer les fossés, rigoles, noues, haies, terrasses, etc. pour ralentir l’eau quand elle tombe, la stocker et la diffuser.
Et l’irrigation dans tout ça ?
Et l’irrigation alors ? Pour Simon Ricard, autre co-fondateur de l’asso Pour une hydrologie régénérative, elle peut venir en appui pour “relancer” un cycle de l’eau vertueux. Le petit coup de pouce pour les jeunes arbres, par exemple. Mais seulement dans le cadre d’un projet régénératif plus large.
Pour info : la vigne est la culture qui a connu la plus grand augmentation de ses surfaces irriguées entre 2010 et 2020. Les vignes irriguées sont passées de 3,6% du vignoble à 9%.
La bonne nouvelle : de nombreux territoires, collectivités, bassins versants, etc., mais aussi des domaines viticoles, s’emparent de ce concept pour repenser les cycles de l’eau. Plusieurs expérimentations ont été lancées en 2024 dans la Drôme, en Ardèche, e Haute-Savoie, etc. A suivre.
Sources
- Le site de l’association Pour une hydrologie régénérative
- L’hydrologie régénérative : les liens entre paysages et cycles de l’eau, Samuel Bonvoisin, Ver de Terre Prod
- Cette fiche expliquant l’eau verte et l’eau bleue
- Agreste, pour les données sur les surfaces irriguées
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