#12 Vignoble et pesticides : l’autre défi

Vignoble et pesticides sont intimement liés depuis plus de cent ans. La situation semble s’améliorer, sans atteindre les objectifs visés de -50% d’ici 2030. Décryptage et le point sur les chiffres.

Décryptage Vinofutur : vin et pesticides, où en est-on ?

Avec le dérèglement climatique et la déconsommation d’alcool, la sortie de la dépendance aux pesticides est sans doute le troisième défi à relever pour les vigneron.nes du futur. Un défi qui embarque aussi les consommateur.trices, car il suppose un bouleversement des modèles et in fine, du vin.

 

🚜 Vignoble et pesticides, la grande dépendance

En 2024, le vignoble français est entièrement dépendant des pesticides. Sans traitement, pas de raisin, pas de vin. Vitis vinifera, la variété de vigne utilisée pour produire du vin est une plante extrêmement sensible à plusieurs maladies, les plus banales étant le mildiou et l’oïdium.

A savoir : même en bio certifié, les vigneron.nes « traitent » leurs vignes au printemps, en utilisant notamment des préparations à base de cuivre et soufre, la fameuse « bouillie bordelaise ». Il existe de nombreux débats sur l’impact à long terme du cuivre, molécule certes naturelle, mais qui ne se dégrade pas et s’accumule dans les sols. De nombreux sols viticoles sont aujourd’hui largement pollués avec ce métal lourd, héritage d’époques où les quantités utilisées étaient largement plus conséquentes qu’aujourd’hui. En 2024, la quantité autorisée est de 4kg/ha (lissés sur 5 ans). (Pour un article sur l’avenir du cuivre, lisez Vinofutur 1).

En « conventionnel », les professionnels utilisent également du cuivre, mais ils ont en plus dans leur « arsenal » des molécules de synthèse, dont certaines pénètrent au coeur de la plante. Ces substance sont de ce fait plus efficaces dans la lutte contre les agresseurs… mais posent d’autres problèmes sur leur migration éventuelle dans la terre et l’eau, leur impact sur la santé humaine ou la biodiversité.

Les régions ou millésimes humides (comme 2024) sont propices au développement du mildiou, et conduisent les viticulteur.trices à traiter plus souvent.

Résultat : en 2000, 20% des pesticides étaient consommés par le vignoble, soit 4% de la surface agricole utile (SAU). Les départements à forte densité viticole sont systématiquement parmi les plus gros consommateurs de « phytosanitaires », Gironde en tête.

POur observer l’évolution des achats (et donc de la consommation) de pesticides, on peut utiliser l’application de visualisation de la BNV-d, un outil public qui compile les achats de pesticides, en QSA (quantité de substance active) depuis 2015. (Mais attention : poids et dangerosité varient d’une substance à l’autre). Pour identifier les substances et leurs effets, il faut se référer aux fiches Ephy de l’Anses.

D’autres indicateurs et modes de calcul existent pour mesurer l’évolution de la consommation des pesticides. Les agriculteurs utilisent souvent l’IFT (indice de fréquence de traitement) pour évaluer leurs pratiques. Jusqu’en 2024, les politiques publiques (et notamment les différents plans Ecophyto successifs) utilisaient le NODU (NOmbre de Doses Unités), qui correspond à un nombre de traitements moyens par hectares. Mais la FNSEA a obtenu début 2024 que soit désormais utilisé un nouvel indicateur baptisé HRI-1 (« Harmonised Risk Indicator 1 »), outil vivement critiqué par la communauté scientifique. Pour vous y retrouver, voici un article qui récapitule tout.

📉 Consommation des pesticides en baisse, mais…

Ce qu’il faut retenir de toutes ces données ? C’est de moins en moins pire (…) dans presque tous les départements viticoles. Les pesticides les plus dangereux (CMR, cancérigènes, mutagères, reprotoxiques) diminuent partout, par exemple, mais sans disparaître non plus (et tout en sachant que la quantité ne fait pas le poison). Les quantités globales (quand on additionne tous les pesticides) augmentent, mais c’est lié en partie à la hausse des produits autorisés en bio, plus pondéreux mais moins dangereux.

Derrière ces chiffres, il y a un ENORME travail des vigneron.nes et de l’ensemble du monde agricole. Et beaucoup de prises de risque, de souffrance, et de violence… Le sujet est une vraie « pomme de discorde » dans les zones rurales. Il n’y a qu’à voir les têtes de mort dessinées sur le bitume devant les parcelles à chaque nouvelle saison de traitement dans le Layon.

Mais même en coupant les cheveux en quatre, RIEN n’indique un changement de modèle en profondeur vers une sortie des pesticides. Prise de conscience, oui. Virage à 180°, non. L’échec des plans de réduction (Ecophyto) lancés depuis 2008 a été reconnu par l’Etat. Un rapport au vitriol de la Cour des Comptes, en 2020, met en rapport les 800 millions d’euros investis dans l’accompagnement de l’agricuture vers la sortie des pesticides, et l’effet nul de cette stratégie. Le nouveau plan Ecophyto 2030 réaffirme l’objectif de -50% de pesticides utilisés d’ici 2030.

 

 

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